Gérer mes cookies

Interview de Gérard Hernja et de Vincent Kaufmann (LMI) Mobilité durable et inclusive : articulation AOM et exploitants de transports.

Non classé

Et si la question actuelle de la mobilité pouvait ne pas se limiter à des types de moteurs, à de l’énergie ou à l’organisation des transports sur un territoire ?

Pourrions-nous prendre les choses par un autre prisme ? Les enjeux actuels pourraient alors être en fait une chance ! Une chance pour repenser ensemble, en société, ce qu’est la mobilité.

Voilà ce que présentent Vincent Kaufmann et Gérard Hernja dans leur Manifeste pour une éducation durable et inclusive.

Comment ? Entre autres, par une nouvelle articulation des AOM et exploitants de transports.

scinetist-fo-the-planet-Mobility

1. L’AOM ne doit pas être celui qui passe la commande et l’exploitant de transport ne doit pas simplement être un faiseur. 

L’articulation entre l’AOM et les exploitants doit également être centrée sur les bénéficiaires et sur les formes de vie dans le territoire. Le mieux serait d’inclure les bénéficiaires dans cette articulation.

L’articulation entre les AOM et les exploitants de transport doit d’autre part clairement poser la question des moyens financiers disponibles et surtout de leur pérennité.

Comment pouvoir relever les enjeux multiples et essentiel d’une mobilité durable sans pouvoir assurer à ceux qui cherchent à relever le défi les moyens d’assurer leur mission ?

C’est une vraie question aujourd’hui, dans un cadre budgétaire de plus en plus contraint mais face à des défis qui concernent l’avenir des territoires et le bien-vivre des habitants.

Cela est d’autant plus vrai que nombre de transports solidaires sont aujourd’hui proposés par des structures issues de l’Économie Sociale et Solidaire, des structures par rapport auxquelles le discours ne peut pas être celui de la recherche de rentabilité, tant leur rôle social est essentiel.

2. Les exploitants des transports, avant de jouer un rôle dans l’éducation de ceux qui utilisent leurs solutions, doivent à nos yeux intégrer les questions relatives à l’éducation à la mobilité durable et inclusive au sein même de leurs entreprises.

La recherche de sens dont nous  parlions précédemment doit aussi se trouver au sein des entreprises qui proposent des solutions.

  • Il n’échappe à personne que les métiers liés aux transports rencontrent aujourd’hui des difficultés de recrutement récurrentes.

Ces difficultés ne se résument pas à nos yeux aux seules questions de salaires et de condition de travail. Elles concernent également le sens de ces métiers particuliers. Elles sont autant les symptômes d’une crise de recrutement que d’une crise de vocation.

  • Pour continuer à recruter, et peut-être attirer de nouveaux profils, le monde du transport a besoin de raconter à ses salariés une histoire qui les ancre dans la préservation de l’environnement, dans le service aux personnes et le développement des territoires.
  • Si la mobilité c’est la transformation de soi, les AOM et les exploitants de transport, pour participer à cette transformation des individus et de la société, doivent sans aucun doute accepter de se transformer elles-mêmes.

3. Concrètement, il faut faire rentrer les questions du sens au sein des entreprises de transports de personnes.

Il faut réfléchir aux finalités de l’action : qu’est-ce qu’on veut pour notre entreprise, le territoire, la planète ? Et ainsi construire peut-être au sein de ces entreprises des référentiels qui ne soient pas seulement des référentiels de compétences.

Le conducteur d’un bus n’est pas simplement quelqu’un qui ramène des personnes, il doit avoir l’assurance qu’il participe à un projet. Remettre l’éducation au centre, dans les fondamentaux même de l’entreprise, c’est remettre la question du sens de ces métiers de la participation à un monde que l’on veut différent.

Comment faire ?

Les exploitants de transports doivent s’emparer eux-mêmes de la question s’ils pensent qu’elle est importante pour eux. Il serait incongru de prôner des systèmes moins descendants et de préconiser une méthode totalement normée.

  • Le bien-être au travail dépasse aujourd’hui, et heureusement, la question d’installer un babyfoot … La question est beaucoup plus lourde que ça. Les Ressources Humaines doivent inventer quelque chose d’autres, faire en sorte que leurs salariés trouvent du sens dans le fait de venir peut-être au boulot chaque matin ou peut être de pouvoir travailler aussi à distance.
  • Pour autant, il peut être intéressant dans beaucoup d’entreprises d’avoir quelqu’un qui soit extérieur, qui y entre pour impulser la démarche, sans oublier qu’il arrivera un moment où la démarche devra être interne et concerner les salariés eux-mêmes.
  • Notre volonté, en y associant d’autres acteurs, serait d’embarquer une ou plusieurs entreprises pour construire la démarche. Notre idée aujourd’hui serait de convaincre le chef d’entreprise, de proposer des étapes, des méthodes adaptés à l’entreprise pour impulser le mouvement. Mais c’est au sein de l’entreprise qu’il faut laisser les discussion sur  « où ils veulent aller et ce qu’ils veulent faire ». Ce n’est pas à l’expert autoproclamé de le dire à la place des salariés. C’est dans l’entreprise que ces choses-là doivent se décider. En évitant de considérer que les salariés n’en sont pas capables.

En conclusion, le chemin de l’éducation est celui de l’espoir dans un monde où l’éco anxiété gagne.

Les entreprises ne sont pas forcément encore mûres mais il y a des éléments qui font penser que les choses évoluent :

  • Il existe sans doute des moments de bascule. Peut-être cet été avec les aléas climatiques, la sécheresse et les incendies en est-il un ? Ce que l’on appelle parfois « La grande Démission » même chez ceux que l’on considérait comme « les élites » en est peut-être un autre.
  • Le chef d’entreprise est aussi un citoyen et vouloir que son entreprise soit à la fois citoyenne, avec des gens aient envie d’y travailler et aient envie d’y rester et  une image positive. Il peut alors trouver important de mettre cette question-là au centre.

    Donc toutes ces questions-là sont quand même mûres pour être abordées. Elles vont peut-être heurter de plein fouet le fonctionnement de certaines entreprises, notamment les entreprises du transport, mais ont-elles le choix de ne pas les prendre en compte ?

L’idée d’une éducation qui soit relativement horizontale, qui permette aux personnes de réfléchir ensemble, de travailler ensemble et de vouloir quelque chose de commun, de construire quelque chose qui dépasse l’intérêt personnel, est peut-être mûre. Alors pas dans toutes les entreprises, mais il suffirait que quelques-unes s’y engagent pour que ça crée un effet d’entrainement.

Avec l’éducation, nous voulons donner une vision positive d’un avenir individuel et collectif. Le chemin de l’éducation est celui de l’espoir dans un monde où l’éco anxiété gagne. Notre ouvrage porte d’ailleurs comme titre le mot de métamorphose. La métamorphose est à la fin de quelque chose et le début d’une nouvelle aventure qui devra se construire à partir de l’éducation.

Cet article est issu des témoignages et de l’aide de Gérard Hernja (Docteur en sciences de l’éducation,  Chercheur auprès de l’ECF et Membre du Comité Scientifique du Laboratoire de La Mobilité Inclusive), et de Vincent Kaufman (Docteur es Sciences, Professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, directeur scientifique du Forum Vies Mobiles à Paris).

Merci pour votre disponibilité et relectures !
Aline Mongellaz