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27 Octobre 2022

Interview de Gérard Hernja et de Vincent Kaufmann (LMI) : Qu'est-ce que la mobilité durable et inclusive ? Et pourquoi le Transport à la demande est une des réponses.

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Et si la question actuelle de la mobilité pouvait ne pas se limiter à des types de moteurs, à de l’énergie ou à l’organisation des transports sur un territoire ?

Pourrions-nous prendre les choses par un autre prisme ? Les enjeux actuels pourraient alors être en fait une chance ! Une chance pour repenser ensemble, en société, ce qu’est la mobilité.

Voilà ce que présentent Vincent Kaufmann et Gérard Hernja dans leur Manifeste pour une éducation durable et inclusive.

Comment ? Par une redéfinition de la mobilité !

PS : au passage, nous leur avons évidement demandé comment ils perçoivent le TAD / TPMR dans ce contexte !

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1. Avant d’évoquer les questions relatives aux qualificatifs   durable et inclusive,  il nous a semblé important de revenir sur la définition même de la mobilité.

L’idée de relier la mobilité aux déplacements et au transport est finalement assez récente, son corolaire, à savoir « toujours plus, plus loin et plus souvent », a construit une mobilité qui est devenue une injonction à bouger mais qui ne sait et ne saura être ni durable ni inclusive.

Nous avons donc pris le parti de revenir quelque peu à la généalogie du terme, en considérant que la mobilité devait se définir en tant que transformation de soi.

Dans ce contexte, l’expérience du mouvement et du déplacement pouvait être une condition de cette transformation de soi, mais une condition qui ne sera pas suffisante.

A partir de là, nous avons pu reprendre notre travail l’explicitation des qualificatifs inclusif et durable.

  • Pour l’inclusion, nous avons souligné le fait qu’il y a souvent confusion entre inclusion et intégration. L’intégration c’est penser que les personnes auxquelles je m’adresse doivent s’adapter, changer pour rentrer dans la société. L’intégration met surtout en avant la responsabilité individuelle. L’inclusion considère que c’est la société qui doit s’adapter pour accueillir les individus quels qu’ils soient et quelle que soient leurs difficultés.
    L’intégration s’articule avec l’idée d’égalité là ou l’inclusion prône plutôt l’équité.

Cet aspect est très important. Il ne s’agit pas de faire entrer tout le monde dans le moule d’un modèle préétabli, mais bien de reconnaître la diversité des pratiques et des aspirations en matière de déplacements et de modes de vie.

  • Pour ce qui est du terme durable, nous rappelons qu’il implique que ce que nous produisons ou faisons ne devrait pas avoir un impact négatif sur les générations futures.

Articuler mobilité et durable est alors un pari hasardeux, surtout si la mobilité reste attachée au déplacement.

L’association entre mobilité et soutenable serait sans doute plus appropriée, à condition cependant que l’on puisse non seulement décarboner le plus possible les déplacements mais aussi et avant tout en réduire le nombre et avoir une réflexion globale sur les choix des véhicules utilisés et sur la vitesse. Ce qui, en conséquence, interrogera obligatoirement l’aménagement des territoires.

2. Le TAD et le TPMR sont , sous conditions, des moyens d’arriver à une mobilité qui soit plus durable et plus inclusive.

Si nous relions l’usage du Transport à la demande aux définitions précédentes, il est sans conteste un moyen de réduire le nombre des déplacements et de les rendre plus soutenables.

Pour qu’il devienne une forme de mobilité durable, il est nécessaire :

  • d’envisager la question des motivations de ceux qui l’utilisent,
  • de la fréquence du service et sans doute celle relative à la vitesse des déplacements.

    En tant qu’expérience sociale, le TAD peut sans conteste relever de la mobilité.

    Avec les TPMR nous pouvons nous placer du côté de l’inclusion, mais pas nécessairement.

  • La mobilisation des TPMR pour amener une personne à mobilité réduite d’un point A à un point B ne suffit pas à attester d’un projet d’inclusion.
  • Là encore nous pourrions parler du sens de la démarche et de ses finalités, à la fois pour celui qui transporte, pour ceux qui sont transportés et pour la société.

Pour parler de mobilité, il est toujours nécessaire de dépasser ou de transcender le déplacement qu’il induit souvent. Ces 2 modalités sont, sous conditions, des moyens d’arriver à une mobilité qui soit plus durable et plus inclusive :

  • Elles sont des moyens intéressants, qui se détachent de la voiture individuelle, des déplacements individuels, qui permettent d’entrevoir une expérience partagée de mobilité et une évolution des attitudes et des représentations de ceux qui les pratiquent. 
  • Le TAD ne s’inscrit pas de fait dans cette vision. Il s’y inscrit s’il ne se limite pas à déplacer et à transporter, s’il casse les résistances et s’inscrit dans un projet de vie.

Je dois prendre conscience du fait qu’en faisant du TAD, je participe aussi à une mobilité qui est plus durable, même si bien sûr ce ne sera toujours qu’une goutte, à l’instar de celle que lâche le colibri sur l’incendie. On sait que la transformation du monde ne se limitera pas à ça. Mais c’est un élément individuel qui peut se conjuguer au niveau collectif et peut-être in fine participer au changement de monde.

Cet article est issu des témoignages et de l’aide de Gérard Hernja  (Docteur en sciences de l’éducation,  Chercheur auprès de l’ECF et Membre du Comité Scientifique du Laboratoire de La Mobilité Inclusive), et de Vincent Kaufman (Docteur es Sciences, Professeur de sociologie urbaine et d’analyse des mobilités à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, directeur scientifique du Forum Vies Mobiles à Paris ).

Merci pour votre disponibilité et relectures !
Aline Mongellaz